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12/09/2007 | ![]()
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Roman
en construction, TROISIÈME
PARTIE La semaine dernière à l’émission… Un motel. Des chambres occupées par des échoués de l’Amérique, des marginaux en quête de bonheur et de sens. Un enfant albinos et muet qui abrite une jeune mariée en fuite dans sa chambre transformée en pigeonnier pour les mouettes. Une transsexuelle en convalescence abreuvée d’hormone et de martini. Une ménagère miss Univers qui se tape les chambres et les clients. Deux frères et sœurs jumeaux haineux plus vieux que vieux derrière la réception. Un concessionnaire junkie d’amour, attaché à un pommier pour ne pas qu’il puisse continuer à manger l’auto dans laquelle sa femme s’est tuée. Un révolté qui plonge dans les vagues tout habillé à chaque soir et qui en ressort nu à chaque matin. Et un paumé, moi, qui le suit pour la première fois dans les vagues vers les immenses cargos stationnés au large à perpétuité. Pour
le début du roman sur Le Cabinet, appuyez ici. L’envie de tuer
Moi : J’ouvre la porte de la remise et je laisse à l’extérieur tout sentiment de compassion que je pouvais avoir pour l'espèce humaine. La lumière s’allume comme une condamnation à mort, elle est trop forte et elle surprend Saül qui se recroqueville dans le coin droit de la pièce. Il est au fond, en boule au sol, dos à moi. Frémissant. Frissonnant. Dans l’autre coin, une montagne de conserves, de boîtes, de poudre à récurer, de pâtes… Comme un ring de boxe. Saül, poids plume est KO dans un coin. Et il y a du sang sur le plancher.
Il n’y a jamais de fond au baril du monde. Ni de goutte pour faire déborder le vase de l’insupportable. La vie est une salope et en plus, elle n’est pas dépourvue d’imagination. Quand je m’approche de lui, il se met à trembler. Je m’accroupis alors et je commence à lui caresser les cheveux blancs, collés. Il sursaute au contact de ma main, mais se laisse faire. J’aperçois alors son visage et le cœur me fend. Sa bouche est pleine de sang. Ses poignets aussi sont en sang. Le rouge brille sur le blanc des tuiles, sur le blanc de sa peau. Le sang coagule sur sa joue, dans le blanc plus blanc que blanc de sa peur. Je le prends dans mes bras, mais quand j’arrive pour sortir, il saute en bas, panique et se met à courir partout. Le voir, c’est un peu la fin du monde, des gouttes de sang marquent son trajet comme un Petit Poucet pour enfant sadique.
J’arrête le petit. Il ne me regarde pas dans les yeux, son regard est perdu, ces yeux sont dans le cockpit. Il pointe la montagne. Tout tremble en lui. Il se tient la bouche fermée, et à chaque fois qu’il l’ouvre une marée de sang envahie le plancher. Il est si petit dans mes bras, si maigre, si tendre, pourquoi veulent-ils lui faire du mal ? Je le serre contre moi, mais il se débat. Je le laisse alors partir. Il se dirige vers la montagne de conserves et commence à tasser les boîtes… Il cherche quelque chose, il y va avec précaution, comme s’il s’attendait à voir un monstre sortir de sous les débris. Des monstres, il a dû en croiser beaucoup dans le noir des heures qu’il a passé ici. 2 jours.
Effectivement, il sort un balai de sous les décombres. Il tourne ensuite en rond, en cherchant pas où commencer le ménage. J’essaie de lui dire que je vais le faire, le ménage, mais il ne me laisse pas prendre le balai.
Adam a raison. Wendy va savoir quoi faire. Je m’agenouille devant le petit.
À l’évocation de l’enfance, il se met à cogner du pied, à frapper partout. À lancer les conserves sur les murs. J’abandonne.
Et là, il arrête. Il me regarde. Dans les yeux. On reprend contact.
Ils arrivent. Wendy s’approche du petit en se mordant la lèvre. Ses yeux se remplissent alors qu’elle passe la main dans le visage du petit. Elle lui lave doucement le sang qui coule sur son menton, qui est collé sur sa joue. Mais il ouvre la bouche et la marée revient. Alors, elle recommence. Puis, elle le prend dans ses bras et le berce. Il se laisse faire et colle sa tête sur sa poitrine.
Je le prends des bras de Wendy et je le dépose sur ces pieds. Il ne veut pas venir dans mes bras, mais il est faible, il titube. Il ne veut pas sortir non plus, alors, on va dans le coin où il était échoué.
Et encore une fois, il me regarde.
Et il me donne un oui timide de la tête. Protéger la gamine tout seul, c’est un gros mandat pour un enfant de dix ans, muet et albinos avec deux vieillards sur le dos. J’envoie Adam surveiller le vieux. J’assois Saül sur une immense conserve de fèves aux lards en espérant qu’il y trouve la fève magique qui le fera monter sur les nuages et gagner contre les géants. Il faut finir le ménage avant qu’il accepte de sortir. Alors, on se met à tout ranger pendant que Saül, incapable de rester droit, se couche à terre et tremble. Je me vengerai. Je jure que je me vengerai. Wendy est une magicienne, on le sait tous. Mais de la voir à l’ouvrage, c’est impressionnant. Puis l’odeur fait son entré dans la remise. Saül panique et se cache sous les étagères, s’il avait pu crier, l’ampoule nue au plafond aurait éclaté, mais ce n’est qu’Adam qui tient le vieux endormi dans ses bras. Il va les coucher dit-il. Bonne idée. Bonne nuit, le zombie. Les conserves s’alignent sur les étagères à une vitesse ensorcelée pendant que je reviens m’occuper du petit. Je le monte sur mes épaules, il est si léger, et je suis sûr qu’il aime mieux ça là-haut. Il me tient les cheveux autant pour tenir son équilibre physique que mental, et se couche sur ma tête, mollusque de fatigue et de douleur. On a failli le perdre. Mais si je me fie à mon intuition, Maria Magdalena va nous le ressusciter. Je passe le balai quand il se met à s’agiter. Alors, je le redescends. Il prend une tasse à mesurer, la remplie de savon qui traîne éparpillé sur le plancher, mélangé à de la farine et du sucre. Puis, il se plante devant moi. J’essaie de le remonter alors sur mes épaules, mais il tremble tellement que je m’assois à mon tour sur la conserve de fèves aux lards, pendant que Wendy termine le ménage, je le berce. Il met son pouce dans sa bouche pleine de sang en tenant la tasse à mesurer de l’autre main. C’est ça qu’il est venu chercher. Pour Maria Magdalena, qui lavait son pantalon dans l’eau au levé du soleil, quand on est revenu des cargos. Puis, il semble s’endormir. Une fois le ménage terminé, je le soulève. Il ne pèse pas plus qu’une plume. Une plume au poignets en sang. Paloma arrive avec des bandages, et du mercurochrome. Il se réveille à l’application du désinfectant, mais ne bronche pas. Il serre les dents, c’est tout. Pendant que Paloma fait l’infirmière, je retourne dans la remise. Je dévisse l’ampoule, elle me brûle les doigts, mais je prends mon chandail et je la dévisse. Comme ça, ce sera compliqué pour eux de voir, de revisser l’ampoule et peut-être devront-il monter sur une chaise, et peut-être vont-ils tomber et se casser un os, une hanche… Ça prend du temps, aux os de vieillard, à se recoller. En tout cas, l’ampoule dévissée va ralentir la découverte. Saül est assis sur le comptoir de la cuisine et m’observe remettre le couteau dans la porte une fois que le ménage est terminé. Puis, je le reprends dans mes bras et ensemble, tous les cinq, on sort du Heaven Restaurant alors que le soleil vient de disparaître sous les vagues, derrière les cargos. Arrivé à sa chambre, les mouettes s’affolent et s’envolent alors que je cogne. Pas de réponse. Une mouette sur le toit du motel se met à crier, le cou plié en deux. Elle hurle, elle annonce l’arrivé du prince. Je cogne encore.
Rien. Un temps. La mouette gueule. Puis, la porte s’ouvre. Elle est là, presque aussi petite que lui, défaite, déchirée. Il reste dans la chambre une ou deux mouettes qui ne bronchent pas.
Je dépose le petit dans le lit sous le regard nerveux des oiseaux. Elle se couche contre lui. Il dort encore. Une des mouettes sort aussitôt par la fenêtre.
Et nous les laissons. Je ferme doucement la porte pendant que les mouettes nous encerclent.
Ils sont là, collés, devenus inséparables. Je les laisse. Et je me dirige vers le bout du motel, là où les coquillages viennent mourir, avec enfoui en moi, mon envie de tuer. Sans penser à la fatigue, je plonge dans l’eau. Les vagues qui s’écroulent sur ma gueule me réveillent. Il fait presque noir. Ce n’est pas fini. La journée n’est pas finie. Et je suis en retard.
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