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29/10/2008 |
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Le deuxième volet d'un carnet écrit Les sacs de plastique
16 ans à Kebrebayah, 60 à Askar, 100 000 en Afghanistan, exode sans fin, marée humaine, boat people échoués dans le désert sous le soleil poussiéreux et le néant, à vivre dans des tentes de sacs de plastique, à porter les vêtements trop vieux des autres, nos vêtements, des peuples au complet sur les routes, rejetés sur les plages désertiques aux yeux même de ceux qui peuvent, de ceux qui ont, ceux qui sont, qui peuvent jeter des sacs de plastiques d’aliments à moitiés périmés, ceux qui jettent, qui donnent leurs vêtements une fois la mode passée. Ces vêtements ensuite portés par les autres. La marée humaine. Les rejetés du ressac industriel et la démographie. Les autres, rassemblés dans des camps, question de les contrôler, question qu’ils ne puissent pas se répandre, contaminer. Des restes d’humains, de l’écume de guerres qui mangent les restes, qui vivent sur des restes de terre, qui s’habillent de restes, les restants des hommes, encore et toujours, qui vivent des miettes tombés des tables trop pleines, qui lichent les assiettes de l’abondance, mouettes de dépotoirs, enfants perdus les yeux défoncés, les pieds infectés par les ordures et le verre brisé. Ceux qui n’ont rien, qui n’auront rien, qui n’auront jamais rien à dire, qui ont vu la vitre brisée en haut des murs des villes murées, qui savent les riches et leurs supermarchés, qui connaissent la zone franche de la compagnie. Les mêmes qui sont empilés dans des dépotoirs humains où même les mouettes ne viennent pas. Empilés. Tous le même regard, tous le même éclat dans les yeux, la volonté de vivre malgré les pieds infectés et la faim, l’humiliation, la volonté de vivre et de revenir un jour chez eux. Chez eux. Les réfugiés. Sur les rives sèches d’Afrique, dans les camps Palestiniens, d’Afghanistan, n’importe où. Ceux même qui bien souvent n’ont jamais vu ce chez eux dont ils rêvent, ceux qui se doutent que leur chez eux est voué à n’être qu’un autre camp sur un autre reste de terre, sur les restes de ceux qui ont pu rester malgré tout, qui ont eux la chance de rester. Peu importe qu’ils ne l’ait jamais vu cette terre, c’est chez eux. Ce n’est pas ce sac de plastique, cette tente fait des restes de vêtement usagés, de ce que même eux ne pouvaient plus porter. C’est ailleurs, ça n’existe peut-être même plus. Ici, là-bas, avant, bientôt, qui sait ? C’est là où le ciel est bleu. Là où ils auront une chance de manger mieux demain qu’aujourd’hui. Où les femmes sont douces sous la main. Là où ils pourront offrir des robes à leurs fiancées, des vêtements neufs à leurs enfants. C’est un coin de terre à cultiver, un peu de pain mérité. Un travail. Chez eux, quoi. Là-bas en Somalie, au Soudan, en Palestine, en Erythrée, en Sierra Leone, au Liberia, en Nouvelle-Guinée, en Afghanistan, Kaboul, Kandahar, là-bas, ailleurs qu’en Cauchemardie. Une terre de mémoire et de mirage, de plus en plus loin, de plus en plus sèche. Les caravanes de sacs de plastique battent au vent. Comme les arbres de l’époque industrielle, de ses vidanges. Ils appellent le pouvoir d’achat. Un toit, un emploi, quelque chose, n’importe quoi, le pouvoir d’achat. Peu importe quoi, peu importe où même. Parce que là où la frontière passe, c’est toujours sur le corps d’un autre. Et les gens doivent partir. Deux semaines, deux ans, deux guerres, deux générations. Plus personne au camp ne se souvient mais on sait vaguement que c’est par là. On sait aussi que jamais, jamais on n’arrêtera d’espérer, jamais l’éclat sera lavé par la mer. À tout jamais, mon sourire tranchera, tant que mon ombre et moi, on ne dormira pas sous le ciel de notre histoire. Alors des peuples entiers se perdent au vent. Certains disparaissent à tout jamais, certains sont avalés par le désert. Ils sont mis en sacs, et vendu sur le libre marché du plastique, des zones franches, et de l’industrielle démesure. Se lève alors entre les dunes, l’ouragan sec de la rancune, les yeux tranchants, les tornades qui puissent dans l’âme de la terre et qui font couler le sang du monde. De là, naissent les grands champs pétrolifères. Et les dirigeants pétrocrates rient. Ils savent. Et ils ont encore gagné. Des peuples au complet meurent au son de ce rire. Et jamais ils ne seront enterrés chez eux. Ils dormiront dans le vide jusqu’à ce que la mémoire bégaie, jusqu’à ce qu’elle oublie. Le vide dans la vie, le vide dans la mort. Le futur est un concept luxueux. Couchez-vous sur le sable, dans la poussière, collez votre langue aux nuages en suspensions, buvez la pluie, mangez la pierre, la poussière en suspension, votre sort est en suspension, votre vie, en suspension, celle de vos enfants aussi. Vous ne valez rien. Quand la bourse s’écroulera, vous ne vaudrez pas moins. On ne peut pas perdre quand on n’existe même plus. L’errance. Et les sacs de plastique battent aux vents. Les restes des achats, le fantôme du pouvoir.
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